GRECE :
Grandes manifestations contre l'usage du terme de « MACEDOINE en Ex
Yougoslavie" et Lettre de Mikis Theodorakis !
[ NDLR :
L'universitaire Christina Komi, à Athènes, nous signale d'importantes
manifestations en Grèce - notamment à Thessalonique - dont les médias français
de parlent pas. Merci à elle. JLuc Pujo]
A propos de
l’usage du terme « Macédoine » et de la question politique de la
dénomination officielle de ce petit pays situé au sud de l'ex-Yougoslavie. La
question du nom de ce pays et de sa reconnaissance de la part de la Grèce est
revenue ces derniers temps en première page de l'actualité en Grèce, sous
l’urgente pression de l'Empire qui souhaite en finir rapidement avec cette
question afin de pouvoir intégrer le nouvel Etat balkanique dans l'Otan, en vue
de fermer définitivement les portes à un éventuel accès de la Russie en
Méditerranée.
Étant donné
l'extrême faiblesse de la Grèce en ce moment, pays sans souveraineté,
hypothéquée dans tous les sens, mise sous la main de la Troika et des vautours,
et « gouvernée » par des marionnettes, des traitres qui sont prêts à
tout jeter aux charognards, on peut sentir déjà, le démembrement final
venir : l'amputation territoriale.Ça vaut la peine de lire cette lettre,
que j'ai traduit du grec pour vous, et qui constitue la réponse du compositeur
grec d'envergure internationale, Mikis Theodorakis, à la lettre de l'artiste
Balagosa Nakoski, (originaire de Skopje).
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Cher M.
Nakoski,
Je
suppose que vous êtes très jeune et que, par conséquent, vous ne connaissez pas
certains faits qui se sont produits il y a de nombreuses années et qui
expliquent mon attitude actuelle à l'égard des relations entre nos deux
peuples.
Avant la Seconde Guerre mondiale, lorsque le jeune et faible KKE voulait
rejoindre l'Internationale communiste (Moscou), les Partis communistes bulgare
et yougoslave lui ont posé comme condition, son accord à l'idée de la création
d'un Etat communiste indépendant sous le nom de "Macédoine" qui
comprendrait toute la Grèce du Nord.
Comme il était naturel, une tempête a éclaté en Grèce, ce qui a obligé le KKE à
réviser cette position. Cependant, il en a été profondément marqué, marque qui,
à mon avis, a été estompée quand le KKE a pris en 1941 la tête de la Résistance
contre les Allemands.
A la fin de la guerre, a été créé la Yougoslavie communiste. En ce temps-là,
Tito a nommé « Macédoine » la partie sud de ce pays (la région du Vardar), dans
l'espoir qu'à l'avenir, il aurait la possibilité d’étendre le territoire de son
pays jusqu'à la mer Egée.
Malheureusement pour nous, la Grèce, après sa libération des Allemands, a été
amenée à la guerre civile (1944-1949), et le gouvernement d'Athènes s'est vu
complètement dépendant de l'aide des puissances occidentales. Et les Anglais ne
voulaient surtout pas contrarier Tito dans l'espoir qu'il ferait ce qu'il a
effectivement fait : interrompre ses relations avec Moscou. A cause de son
impuissance, le gouvernement grec n'a pas protesté à ce moment là, alors que
tout le monde savait que par ce nom de « République de Macédoine » le leader yougoslave créait
un cheval de Troie : pour se débrouiller de faire ce qui était sa tâche en
tant qu'homme du Komintern, créer une Macédoine communiste qui arriverait
jusqu'à la mer Egée.
C'est
alors que nait le mythe de l'origine des habitants de cette région, les soit
disant descendants d'Alexandre le Grand, ainsi que tout ce que l’on connaît
aujourd'hui et qui est inclus dans la Constitution de votre pays : la
Grande Idée du Salut, avec laquelle de nombreuses générations ont été nourries,
et à laquelle des gens comme vous sont, je suppose, tout à fait liés. Et je
comprends que, puisqu'ils ont grandi avec ce mythe, ils se considèrent comme
étant des Macédoniens.
Mais de votre côté, vous aussi devez reconnaître que nous Grecs, nous avons
raison de protester quand, sous le prétexte de ce nom, vous nous emmenez face à
des incongruités comme celle-ci : vous faites circuler des cartes d'un
pays appelé Macédoine dont les frontières arrivent jusqu'au Mont Olympe ;
prétendant ainsi que nous, Grecs, nous sommes des occupants étrangers de notre
propre ville Thessalonique --de Thessalonique la grecque-- et encore d'autres
propositions qui défient l'intégrité même de notre pays.
Alors comment me demandez-vous d'être ... "cosmopolite" quand par
l'intermédiaire de tous ces mythes une série des gens essaient de démembrer ma
patrie?
Cher
M. Nakoski, le Destin, a voulu que je devienne un témoin direct des
manipulations subtiles du leader yougoslave et de son cabinet qui ont, par
ailleurs, essayé de me rendre complice de leur politique de «Grande Macédoine».
C'était à l'époque où j'avais composé la musique pour la bataille de Sioucheka
et je visitais souvent la Yougoslavie en tant qu'invité de Tito, que j'ai tant
admiré et apprécié.
C'est alors que Tito lui-même m'a demandé d'écrire la musique pour un film qui
traitait de la région sud de son pays. Quand j'ai lu le script, j'ai constaté
que le film nous présentait nous, les Grecs, comme des conquérants de la ville
de Thessalonique et oppresseurs de ses habitants. J'ai alors non seulement
refusé d'écrire la musique, mais j'ai eu le courage d’avoir une confrontation
nette avec Tito. Car j'ai constaté que son raisonnement était le suivant :
puisque sa Macédoine à lui, communiste, était une « nécessité
historique », il était tout à fait légitime de procéder à la création d'un
Etat communiste au détriment d'un pays limitrophe capitaliste, comme la Grèce.
Suite
à ceci, nos relations ont été troublées, surtout quand je lui ai fait remarquer
que je ne comprenais pas comment un homme comme lui, qui avait mis sa patrie
au-dessus de Moscou et de Staline, était incapable d'apprécier mon propre
patriotisme à moi et le fait que je le mettais avant tout.
Dans toute ma vie, j'ai montré, me semble-t-il, combien j’ai à coeur la
coexistence pacifique des peuples.
Et je n'hésite pas de dire que je n'ai rien contre vos compatriotes, comme je
n'avais rien contre eux non plus à l'époque où j'ai dirigé « Zorba »
à Skopje.
Mais
quand je vois que la coexistence pacifique de ces deux peuples devient une arme
aux mains de forces obscures qui exploitent les peuples, et que le résultat est
le danger imminent d'une amputation territoriale de mon pays, je ne peux pas
rester les bras croisés, je ne peux pas ne pas réagir par toutes mes forces.
Sincèrement,
Mikis Theodorakis
___
Lien de la
lettre publiée en grec (Σύνδεσμος της επιστολής που δημοσιεύθηκε στα ελληνικά) :
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